Brad Pitt fait équipe avec les créateurs de Top Gun: Maverick pour F1 - Le film, une production réglée au quart de tour qui à défaut de séduire dans le moindre de ses virages, s'avère concluante jusqu'à la fin.
Les longs métrages sur la course automobile sont nombreux. De l'oeuvre chorale Grand Prix (1966) aux exploits de Steve McQueen dans Le Mans (1971), en passant par les amourettes d'Al Pacino à l'époque de Bobby Deerfield (1977), le genre est bien représenté au cinéma. Impossible d'oublier le brillant documentaire Senna (2011) qui permettait de suivre les épreuves dans la peau du célèbre pilote brésilien. Plus récemment le solide Ford v. Ferrari (2019) a séduit les amateurs de bitume tout en récoltant deux Oscars (montage et mixage de son). Où se situe F1 dans tout ça?
La réponse appartient au célèbre producteur Jerry Bruckheimer, qui était de passage dans la métropole québécoise en marge du Grand Prix de Montréal. « Ce n'est pas un documentaire, confiait-il. C'est un film qui cherche à divertir, à toucher une corde émotionnelle. » Une citation qui s'applique également à ses productions les plus marquantes, d'Armageddon à Pearl Harbor, en passant par les deux Top Gun et la franchise Pirates of the Caribbean.
On pense surtout à Days of Thunder, sa production sportive de 1990 qui mettait en vedette Tom Cruise et Nicole Kidman. On y retrouve le même mélange d'action et d'humour, de romance et de moments extrêmement kitch. F1 s'avère heureusement mieux huilé que son prédécesseur. Il s'agit d'un gros film pop-corn avec beaucoup de beurre, parfait pour la saison chaude et humide.
Afin d'en soutirer le maximum de plaisir, il faut laisser ses attentes au vestiaire et prendre le tout sur le plan technique. Découvrir la production dans une salle IMAX, c'est être happé par la poussière et quelques images vertigineuses, le bruit des moteurs et la trame sonore rugissante de Hans Zimmer (qui de Days of Thunder à Rush, semble avoir un faible pour les films de course automobile).
Adepte de vitesse et de bolides qui défilent à toute allure depuis son premier long métrage Tron: Legacy, le cinéaste Joseph Kosinski s'avérait l'homme de la situation. Non seulement il fait oublier son précédent faux pas Spiderhead en retrouvant la grâce de Top Gun: Maverick, budget conséquent aidant, mais il a rarement offert une mise en scène aussi limpide et dynamique, immersive à souhait.
Cela dérape cependant sur le plan narratif. L'histoire prévisible concoctée par Ehren Kruger (à qui l'on doit le scénario béton de Top Gun: Maverick, mais également ceux de trois épisodes exécrables des Transformers) tourne rapidement en rond, s'encombrant les roues dans des clichés les plus élémentaires. Non seulement l'ensemble traîne en longueur, mais il n'aborde jamais de front ses thèmes fédérateurs, comme la rédemption et le spectre de la figure paternelle.
Il est toutefois question d'esprit d'équipe, alors qu'un pilote expérimenté (Brad Pitt) est embauché pour seconder une prometteuse recrue (Damson Idris), se sacrifiant au passage pour l'écurie. Évidemment, rien ne se déroule d'abord comme prévu et ce segment sirupeux n'atteint nullement son plein potentiel à cause du développement sommaire des personnages (et du jeu souvent fade d'Idris).
L'intérêt se trouve encore là en bordure de la piste. Cette ode aux seconds violons devient la métaphore par excellence de la carrière de Brad Pitt. Depuis Thelma & Louise, le comédien est un expert pour mettre ses partenaires en valeur. Il y a trouvé ses plus grands rôles (12 Monkeys, Seven, Fight Club, etc.) et a même remporté un Oscar comme acteur de soutien (pour Once Upon a Time in Hollywood). Même dans ses efforts plus récents et oubliables, comme Wolfs et Babylon, il s'investit totalement sans s'accaparer tous les projecteurs. Le signe des grands. Dans F1, la star est dans son élément, s'avérant mystérieuse et charismatique, fragile et déterminée, drôle et tendre, renouant après le délicieux Moneyball avec le film de sport avec un plaisir évident.
S'adressant autant au public qui ignore tous les rouages de la course automobile qu'aux adeptes de Lewis Hamilton (qui agit comme producteur), F1 est un divertissement spectaculaire et enfantin qui n'a souvent comme seul objectif que d'en mettre plein la vue et les oreilles. C'est Gran Turismo avec plus de talent et de volupté qui est conduit par un truculent Brad Pitt en pleine possession de ses moyens.