23 années après avoir révolutionné le film de zombies, le cinéaste Danny Boyle et le scénariste Alex Garland remettent ça avec 28 Years Later, une oeuvre audacieuse qui nage à contre-courant des superproductions modernes.
Sorti en 2002, 28 Days Later est le père fondateur du long métrage de zombies contemporain. Sans cette création unique qui rendait à la fois hommage à George A. Romero (le grand-papa du genre) tout en développant ses propres obsessions (notamment sur la folie humaine lorsque l'ordre naturel disparaît), il n'y aurait jamais eu tous les Shaun of the Dead, Zombieland, Walking Dead et Dernier train pour Busan de ce monde. Une suite inutile (28 Weeks Later en 2007) allait toutefois tuer dans l'oeuf un projet de franchise.
Il fallait pratiquement une pandémie pour raviver l'intérêt envers cette licence qui renaît de ses cendres d'une brillante façon. À une époque où la suite, le remake, l'antépisode et l'hommage sont à l'honneur, 28 Years Later a le mérite de tourner le dos à la facilité afin de créer un film qui sort des sentiers battus. Au lieu de reprendre l'essence de l'original en multipliant les clins d'oeil nostalgiques (l'effet Star Wars), ses créateurs se sont aventurés en terrain inconnu, ce qui risque de surprendre et de méduser les admirateurs de longue date.
Se déroulant dans une Grande-Bretagne post-apocalyptique mise en quarantaine, l'effort s'articule autour de Spike (Alfie Williams), un garçon de 12 ans qui part en mission en territoire infesté afin de trouver une cure pour sauver sa mère malade (Jodie Comer). La technologie ayant pratiquement disparu, les membres de sa communauté se défendent notamment à l'aide d'arc et de flèches.
Le pari de l'ouvrage est d'épouser les codes du récit d'apprentissage. La mystérieuse introduction qui ne lésine pas sur les Télétubbies (!) laisse rapidement place à une réflexion sur l'existence et la dureté du quotidien: notre jeune héros devant suivre son père (Aaron Taylor-Johnson) en terre hostile afin de parfaire son éducation. L'influence n'est plus tant Romero que des opus sociaux cultes comme Kes, le chef-d'oeuvre de Ken Loach.
Cette façon de souligner l'importance de la famille, de la nature et du passage du temps met pratiquement le film de zombies au second plan. Si une nouvelle mythologie se dessine en filigrane (les infectés sont presque tous devenus obèses), cela se fait au détriment du rythme en place. Non seulement 28 Years Later tarde à créer une tension probante (tout le contraire de l'original), mais il ne fait pratiquement jamais peur, jouant davantage la carte de l'aventure que de l'épouvante.
Le rythme méditatif permet au scénario de Garland (dont la carrière a explosé avec les succès de Ex Machina et Civil War) de prendre son envol et de marquer les esprits. Après s'être attardé à la découverte d'un monde désolé, le script devient de plus en plus mélancolique, rappelant à l'aide de scènes inoubliables la présence de la mort pour mieux célébrer l'adage Memento mori. Ce sont pendant ces moments troublants que les interprètes offrent les performances les plus justes. Le nouveau venu Alfie Williams véhicule des émotions complexes, tandis que le toujours parfait Ralph Fiennes fascine en docteur hors de l'ordinaire.
Bien que les séquences d'action ne soient pas aussi nombreuses qu'espérées, elles demeurent généralement spectaculaires. Brutales et bien gores, ces poursuites et confrontations bénéficient d'une réalisation appliquée de Danny Boyle (Trainspotting, Slumdog Millionaire) qui verse, comme toujours chez lui, un peu dans l'esbroufe. Cela n'enlève toutefois rien à la puissance de sa mise en scène, constamment magnifiée par les images puissantes d'Anthony Dod Mantle et les mélodies fécondes de Young Fathers.
Certaines ruptures de ton fragilisent toutefois l'ensemble. C'est le cas lorsque débarque un jeune soldat ou survient l'accouchement le plus ridicule depuis l'Apocalypto de Mel Gibson. Ce qui était si grave, sérieux et solennel devient soudainement beaucoup plus léger, risible et quelconque. À cet effet, la conclusion qui verse dans la farce grotesque laisse dubitatif, annonçant une suite bien différente. 28 Years Later: The Bone Temple de Nia DaCosta (à qui l'on doit The Marvels et, surtout, l'étonnant remake de Candyman) est déjà tourné et doit prendre l'affiche en janvier prochain.
La plus grande qualité de 28 Years Later est de prendre le risque de bouleverser une formule établie. Elles sont tellement rares les superproductions qui osent aller ailleurs qu'il faut les célébrer. En espérant que celle-ci, de grande qualité, mais qui ne fera pas l'unanimité, ne subisse pas le même sort que Megalopolis ou Joker: Folie à deux, deux oeuvres incomprises et injustement vilipendées.