Pas aussi catastrophique que ne le laissait présager sa bande-annonce, la version de 2025 de The Naked Gun en dit toutefois long sur l'immense difficulté de la comédie américaine à se renouveler... ou simplement à exister.
Sorti en 1988, The Naked Gun est rapidement devenu un classique. Issu de l'imaginaire des génies comiques Jerry Zucker, Jim Abrahams et David Zucker (à qui l'on devait également les cultissimes Airplane! et Top Secret!), cette parodie du film noir qui s'inspirait de l'émission télévisée Police Squad! suivait un lieutenant gaffeur (Frank Debrin, incarné par l'inusable Leslie Nielsen) qui se mettait continuellement les pieds dans les plats. Mélangeant tout et n'importe quoi - le slapstick à la Buster Keaton, les joutes verbales des frères Marx, le burlesque outrancier de Mel Brooks - en assumant complètement sa loufoquerie premier degré, le long métrage faisait souvent rire aux larmes.
Unique comédie américaine à prendre l'affiche cet été, ce remake/reboot/énième suite tardive est conscient de son héritage. Tôt dans le film, Frank Debrin Jr. (Liam Neeson) s'agenouille devant une photo de son père en lui disant : « j'aimerais être comme toi, mais en même temps complètement différent ». Comment concilier le passé et le présent en sachant que c'est d'abord par nostalgie que le public va se déplacer et qu'il sera accompagné - c'est à espérer - par des gens de la nouvelle génération?
Cette relecture ne fait pas tant l'effort d'essayer de redorer le blason d'une série unique en son genre que de reprendre à la lettre une recette éprouvée. L'histoire est pratiquement la même et, à l'instar du récent I Know What You Did Last Summer, elle s'applique seulement à changer les lieux où se tiennent les péripéties. L'introduction mouvementée qui se moque de Tenet se déroule dans une banque et non dans un pays étranger, il y a un interrogatoire à l'hôpital qui rend hommage à Mission: Impossible, une conclusion devant un match de lutte reprend le schéma de The Batman, etc.
Les gags vont dans toutes les directions et ils se veulent tour à tour hilarants et désolants. Les plus caustiques sont ceux qui osent la transgression et prennent des risques, ciblant par exemple O.J. Simpson (qui était de la trilogie originale) et Bill Cosby. Plusieurs s'écrasent lamentablement et manquent clairement d'inspiration. D'autres se répètent inlassablement, comme le calembour sur le café. Si l'ensemble traîne en longueur (le récit ne s'étend pourtant que sur 85 minutes), quelques moments magiques sortent du lot. Ils rappellent la confusion sexuelle qui peut exister entre deux individus et un chien ou encore cette escapade romantique complètement cinglée avec un bonhomme de neige. Ces rares instants absurdes et surréalistes rivalisent avec l'oeuvre originale.
Pour le reste, il y a très peu de nouveaux éléments à se mettre sous la dent. Les scènes d'action stylisées à la John Wick jurent avec l'ensemble et la poursuite finale déçoit par son ineptie. Le scénario écrit à six mains manque de finition et il privilégie généralement la quantité et la facilité. Issu de Saturday Night Live et réalisateur d'oeuvres discutables comme Popstar et The Watch, Akiva Schaffer offre une mise en scène rythmée mais impersonnelle, accumulant les sketchs de qualité variable.
La plus belle surprise vient toutefois de la performance de Liam Neeson. Si en trois décennies, le grand acteur irlandais est passé de Schindler's List à The Naked Gun, il aura surtout marqué l'imaginaire en campant son lot de personnages vengeurs et solitaires dans des films douteux. Le voilà se moquer de son image avec bonheur, lui qui auparavant n'avait pas joué dans beaucoup de longs métrages volontairement comiques. Il est pourtant comme un poisson dans l'eau, formant notamment un duo irrésistible avec Pamela Anderson.
À une époque où la comédie américaine a déserté les écrans de cinéma, où les films d'Adam Sandler sortent sur les plateformes, où Jim Carrey fait des pitreries avec Sonic, et qu'on ressent cruellement le manque des Will Ferrell, Kristen Wiig, Judd Apatow et autres frères Farrelly, la sortie de The Naked Gun s'avérait capitale. Au lieu de relancer correctement la franchise, cette aventure plus insignifiante que désopilante s'avère aussi peu mémorable que les deux suites qui ont vu le jour dans les années 90. Après une entrée en matière assez jubilatoire, l'effort s'essouffle rapidement et le résultat, diffus et bancal, ne procure pas les rires escomptés. C'est pourtant pendant des périodes sombres comme la notre qu'on a le plus besoin de comédies. Cet adage n'est pas nouveau - on le retrouvait déjà dans le chef-d'oeuvre Sullivan's Travels de Preston Sturges qui a pris l'affiche en 1941 - et il demeure toujours d'actualité.