Est-ce un oiseau? Est-ce un avion? Non, c'est Superman qui retourne au cinéma, gracieuseté du réalisateur de la trilogie Guardians of the Galaxy. Si l'association tombait sous le sens, le résultat est loin d'être transcendant.
Évidemment, on peut toujours se questionner sur la pertinence de ramener Superman au grand écran. Christopher Reeve a immortalisé le superhéros dans le film titre de Richard Donner en 1978. Superman Returns (2006) s'avérait une relecture respectueuse et très satisfaisante de l'oeuvre, tandis que Man of Steel (2013) tâtait régulièrement le mythe avec brio. Qu'allait offrir de nouveau ce reboot ludique et rétro qui renoue avec l'essence des bandes dessinées?
Son réalisateur et scénariste James Gunn a eu l'intelligence de ne pas offrir une énième histoire des origines. C'est tout à son honneur. Le film va complètement ailleurs. C'est à se demander cependant ce qu'il cherchait à faire tant le résultat est brouillon et chaotique. C'est le cas de la première partie où l'on retrouve notre superhéros (David Corenswet) agonisant sur la glace. Malgré l'abondance de dialogues explicatifs, les enjeux demeurent flous sur les conflits en place, les liens et les motivations des personnages. Un peu plus et on prenait une série télévisée de 200 épisodes - de type Smallville - afin d'en offrir un condensé de deux heures et des poussières, sacrifiant au passage toute cohérence.
Figure christique par excellence, Superman s'avère plus vulnérable que jamais alors que son identité de sauveur est remise en question. De héros, il deviendra rapidement paria aux yeux de la population. Au passage, Gunn en profite pour parler du monde d'aujourd'hui et surtout des États-Unis, abordant notamment le sort des migrants, l'état du journalisme, l'ingérence politique étrangère et les guerres illicites. Parfait physiquement pour ce rôle emblématique, David Corenswet (vu dans Twisters et Pearl) peine pourtant à convaincre totalement tant son jeu monolithique alterne entre le gentil de service (qui sauve les écureuils) et le naïf déçu. De quoi lui préférer son ennemi juré Lex Luthor, campé avec fougue et mimiques par l'omniprésent Nicholas Hoult (Nosferatu, Juror #2).
Le cinéaste de The Suicide Squad et Slither n'est cependant pas réputé pour son sérieux et il abandonne rapidement cette piste féconde pour pondre un simili Guardians of the Galaxy. Cela ne fonctionne évidemment pas. L'humour ici n'est pas aussi développé. Les situations sont beaucoup plus bancales et les dialogues nettement moins digestes. Le principal support comique est Krypto, l'irrésistible chien de Superman, qui finit par courir après sa queue, à l'image du long métrage qui ouvre de nombreuses fenêtres et emprunte une multitude de chemins en se cherchant continuellement.
L'émotion fait également défaut. La famille si importante chez son créateur n'est qu'un prétexte à une finale sirupeuse et manipulatrice. Une grande place est aussi apportée à l'histoire d'amour avec Lois Lane (Rachel Brosnahan joue pratiquement de la même façon que Courteney Cox dans les Scream) qui ne s'élève guère au ras des pâquerettes. La multiplication des personnages secondaires et superficiels, autant du côté des gentils que des méchants, vient rapidement noyer le poisson, même si on sait pertinemment que chacun aura son film ou sa série en cas de succès.
Superman est donc à prendre au premier degré, comme un simple film d'action plus ambitieux et coûteux que la moyenne. Le résultat ne manque pas d'être spectaculaire, surtout en IMAX. James Gunn connaît son métier et il sait utiliser une mélodie appropriée ou un montage saugrenu afin de créer l'effet escompté. Les affrontements titanesques s'avèrent ainsi nombreux et il y a même un combat de Kaiju! Ces séquences se veulent toutefois redondantes et il n'y a aucune confrontation inédite qui sort réellement du lot. L'exploration d'un monde parallèle offre au récit ses moments les plus sombres et réussis, mais la production a tôt fait de retourner vers la légèreté et la lumière en multipliant les séquences attendues de destruction.
Premier chapitre du nouvel univers DC, Gods and Monsters, qui verra la sortie de Supergirl l'été prochain, Superman ne peut que décevoir. Si le résultat n'est pas aussi catastrophique que l'abominable Batman v Superman, c'est placer la barre bien basse en termes de comparaison. Non seulement l'intrigue et les personnages manquent de finition, mais on ne retrouve que trop rarement le facteur plaisir qui caractérisait les précédentes créations de James Gunn. Ce dernier avait réalisé en 2010 le trop peu connu Super, une variation troublante et tordue de l'univers des superhéros. Il ferait bien d'y revenir, car il est en train de se perdre dans des productions lisses et sans âme.