La figure du clown au cinéma est sans doute une des plus inquiétantes, car elle est fondée sur des peurs d'enfance. On ne compte d'ailleurs pas le nombre de cinéphiles qui ont été traumatisés par It et Poltergeist. Plus populaire que jamais comme en fait foi l'immense succès de la perverse trilogie Terrifier de Damien Leone, elle risque à nouveau de provoquer son lot de cauchemars avec Clown in a Cornfield.
Cette adaptation du roman d'Adam Cesare prend un malin plaisir à jouer avec les attentes de son auditoire. La première partie ressemble à une satire du slasher conventionnel, qui défile à grands coups de traumas, de sursauts gratuits, de personnages stéréotypés et de décisions douteuses. C'est Friday the 13th ou My Bloody Valentine qui baigne dans l'humour bien noir et sardonique. Le tout est accompagné d'une réflexion méta sur notre époque trouble et les images que l'on filme et qui peuvent se transformer en fausses nouvelles. Le spectre de Scream n'est jamais bien loin avec cette héroïne mal dans sa peau (Katie Douglas, assez convaincante) et son groupe d'amis pas toujours recommandables qui tentent d'échapper à un clown démoniaque.
Bien que le long métrage souffre de certaines longueurs et qu'il peine à sortir du lot, il est agrémenté de morts bien gores et brutales: celles qui font réagir et sourire à défaut de provoquer des frissons perdurables. Après s'être un peu, beaucoup inspiré du style d'Edgar Wright (créateur, notamment, de l'illustre Shaun of the Dead) sur ses précédents Tucker & Dale vs. Evil et Little Evil, il est rafraîchissant de voir le cinéaste Eli Craig s'essayer à autre chose. Il embrasse l'horreur et le suspense sans se débarrasser des effets comiques. Sa maîtrise du genre est plus que palpable lors de l'introduction à la première personne (hommage à Halloween) et ce long plan séquence dans une maison où un personnage marche peut-être vers sa fin.
Le film opère une rupture de ton dans sa seconde partie en versant dans un chaos généralisé. Un grain de folie dans l'engrenage qui fait un bien fou et qui permet de mieux explorer ses thématiques. Il est question des blessures d'antan, évidemment, mais surtout de la difficulté de la jeunesse de grandir dans des endroits figés dans le passé. L'ensemble ne tarde pas à prendre la forme d'une métaphore des traditions et du conservatisme, des années Trump qui n'épargnent rien ni personne. Le tout n'est pas nécessairement amené de façon profonde ou subtile, mais il ajoute une couche supplémentaire à un divertissement qui s'annonçait à usage unique.
À la fois violent et amusant, affûté et complètement gratuit, Clown in a Cornfield donne un sens nouveau à la figure du bouffon qui, à l'instar du Joker, ne cesse de se rebeller. Ce qui débutait par une farce grotesque et un simple plaisir coupable se mute peu à peu en un récit beaucoup plus ambitieux qui, à défaut de convaincre totalement, rappelle que le cinéma de genre est le terrain de jeu idéal à toutes les explorations.
À noter que le film n'est présenté au Québec qu'en version originale anglaise.