Les attentes étaient si élevées, on espérait tant que Gerry soit à la hauteur de Dédé à travers les brumes, qu'il ait son intensité, ses images poétiques, son discours assuré, qu'on ne peut qu'être déçu à la sortie de ce film formel et lacunaire, qui nous apparaît davantage comme une musicographie inégale que comme, ce qu'il devrait être, un drame biographique assumé relatant l'existence tumultueuse de l'une de nos légendes québécoises.
La vie mouvementée de Gerry Boulet s'avère pourtant riche - ses histoires d'amour, ses grandes ambitions internationales, ses échecs répétés, sa popularité, son combat contre la maladie - et pourtant, en visionnant cette production, elle nous semble insipide, incolore. On a choisi de développer certains moments négligeables de sa carrière - comme cet interminable périple en France dans le manoir de Faraldo - plutôt que ceux qui ont inscrit Gerry au coeur de notre folklore. Débuter le film par des images d'un petit Gerry Boulet, désintéressé par la religion, mais amoureux de la musique, n'était pas non plus d'une grande illumination, s'approchant davantage du stéréotype que de l'entrée en matière créative. Certains dialogues tombent aussi aisément dans le cliché et l'insignifiance; « Tu sens bon l'frais toé » n'est pas ce qu'on pourrait appeler imaginatif et suggère un certain crétinisme du personnage (il ne manquait plus que la dichotomie de Jason Roy-Léveillée et on se serait cru dans la finesse d'un Lance et compte).
Mario Saint-Amand donne tout de même une performance respectable dans la peau de ce chanteur et compositeur mythique, mais son interprétation intense, ses émotions toujours carabinées nous laissent parfois perplexes lorsqu'on sait l'artiste qu'il incarne plutôt frivole et impulsif. Le choix d'apposer la véritable voix de Gerry Boulet à celle de l'acteur lorsqu'il chante devant public n'était peut-être pas l'avenue idéale puisque la transition est si évidente (un homme à la voix enrouée et chancelante ne peut pas chanter avec tant de puissance et de vigueur; c'est impossible) qu'elle dérange inévitablement. Capucine Delaby et Madeleine Péloquin sont, quant à elles, très convaincantes sous les traits de ces femmes que Gerry a tant aimées. Le reste de la distribution ne manque pas non plus d'éloquence et de rigueur dans les rôles de différents personnages qui composaient l'entourage du chanteur.
La réalisation, généralement assez sobre et distancée, ne parvient pas à sauver le récit, qui se démène tant bien que mal pour ébranler et attendrir les mélancoliques. Certaines tentatives artistiques - comme l'affreux montage split-screen lors du concert à l'Oratoire ou la grotesque hallucination de Jésus dans une piscine - nuisent bien plus au film qu'elles ne l'aident. Et c'est sans parler des horribles ellipses temporelles et de la finale mélodramatique qui s'étire inutilement qui nous laisse un goût amer, un souvenir discutable de la production québécoise.
Malheureusement, le film Gerry ne sert pas le mythe, il lui nuit bien au contraire. En simplifiant le processus de création à quelques notes sur un piano et en compensant constamment ses mauvais coups par de subtiles allusions à ses accomplissements (c'était un bon gars dans le fond...), on en vient à douter du véritable intérêt de faire un film sur le sujet. Le drame biographique est un instrument idéal pour rendre un hommage artistique, lyrique, à un être qui a changé, à sa façon, un peuple, une génération, mais lorsqu'il est mal exploité, la révérence peut aisément devenir sarcasme.
En simplifiant le processus de création à quelques notes sur un piano et en compensant constamment ses mauvais coups par de subtiles allusions à ses accomplissements, on en vient à douter du véritable intérêt de faire un film sur le chanteur.
Contenu Partenaire