« Une panoplie infinie de types de ravissements à vivre entre humains » - Catherine Dorion, Les luttes fécondes
En 1970, la comédie érotique Deux femmes en or de Claude Fournier et Marie-José Raymond causait des remous, alors que les deux protagonistes féminines, interprétées par Louise Turcot et Monique Mercure, alors négligées par leurs maris, décidaient de s’en donner à coeur joie avec les livreurs à domicile. 55 ans plus tard, revisiter le sujet peut-il avoir le même impact? L’autrice Catherine Léger et la scénariste Chloé Robichaud font la preuve que l’émancipation féminine est toujours un sujet chaud en 2025 avec leur adaptation éponyme, aussi coquette que pertinente, qui ne laissera personne indifférent.
On y retrouve Violette et Florence, deux voisines de palier engoncées dans la routine et pour qui la vie semble avoir pris un mauvais tournant. D’un côté, Violette ne se sent pas comblée par son rôle de nouvelle maman, tandis que son mari, infidèle et intransigeant, est toujours parti pour le travail. De l’autre, Florence a, depuis longtemps, cessé de ressentir. Entre son conjoint et elle, c’est le désert. Alors que cette dernière retrouve peu à peu ses désirs, après avoir cessé de prendre des antidépresseurs, elle encouragera sa voisine à se redécouvrir sexuellement, à l’ombre des attentes de tous. Et si le bonheur, c'était de se rebeller contre notre rigide société de performance?
En prenant davantage comme modèle sa pièce de théâtre, elle-même inspirée de la comédie de 1970, l’autrice Catherine Léger signe ici un magnifique pamphlet féministe, qui fait un délicieux pied de nez au puritanisme en voulant célébrer la Femme avec un grand F, dans toute sa magnificence. D’une part, l’autrice propose une histoire de rédemption, racontée avec bienveillance et humour, tandis que de l’autre, elle dresse un portrait pour le moins morose du couple d’aujourd’hui, qui ne fait pas nécessairement dans la nuance. En solo, les femmes se libèrent et explosent les carcans, alors qu’en couple, rien ne va plus. Les hommes y sont davantage des faire-valoir que des personnages à part entière. Ce faisant, le visionnement de Deux femmes en or s’avère assez confrontant et pourrait s’inviter dans les discussions de plusieurs couples.
Pour leur part, la réalisatrice Chloé Robichaud et la directrice photo Sara Mishara ont bien compris le mandat, celui de faire briller les femmes. Le résultat s’avère aussi lumineux que magnifique, tout en étant un hommage senti au film d’origine. Filmé sur pellicule, comme à l’époque, le long métrage se présente avec un grain unique, vintage, qui fait tout son charme. La trame sonore, qui met de l’avant des voix féminines comme Mitsou, Marjo, Monique Leyrac, Louise Forestier et Lou-Adriane Cassidy, ajoute à l’ambiance feutrée et réconfortante. La caméra magnifie le travail des deux actrices principales, qui ont tout donné pour nous parler de désir.
En ce sens, Laurence Leboeuf et Karine Gonthier-Hyndman s’avèrent les parfaites interprètes pour nous raconter cette histoire. Leurs performances, entre mélancolie, extravagance et sensualité, attirent tous les regards. Les deux comédiennes ont eu l’audace de se mettre à nu, au propre comme au figuré, alors que la nudité féminine est célébrée davantage dans les scènes du quotidien que dans les rencontres sexuelles.
À leur côté, on retrouve le formidable Mani Soleymanlou, dont on ne se lassera jamais, et Félix Moati, qui hérite d’un rôle un peu plus ingrat. À ceux-ci s’ajoute une quantité impressionnante de caméos, faite par des artistes bien connus, qu’on pense juste à Jay du Temple, Sam Breton, Maxime Le Flaguais, Arnaud Soly, Richardson Zéphir, Patrick Emmanuel Abellard, Claude Legault, Fabien Cloutier, dont plusieurs se retrouvent dans des scènes qui font monter la température. Louise Turcot et Donald Pilon sont aussi présents, pour faire un clin d’oeil au film de 1970.
Deux femmes en or, c’est un film décomplexé, jouissif, souvent amusant, parfois teinté d’amertume, qui met la femme à l’honneur devant comme derrière la caméra. On y pose une question toujours d’actualité : la sexualité féminine désinhibée est-elle davantage acceptée, voire encouragée en 2025? Il y a certainement encore du chemin à faire...