Tout le monde en parle ces jours-ci, le premier film de réalisateur et scénariste Stéphane Lapointe, La vie secrète des gens heureux, prend l’affiche partout au Québec, avec les tambours et les trompettes qu’il faut. Après tout, le film marque le retour au cinéma après une dizaine d’années de Gilbert Sicotte, mais aussi l’arrivée par la grande porte de deux jeunes acteurs prometteurs. Rencontre avec eux, et avec le réalisateur.
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Catherine de Léan
La jeune actrice vient à peine de graduer du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, possède déjà un baccalauréat en Études françaises, et s’attaque à un premier rôle au cinéma qui ne manque pas de défis. Elle incarne l’objet de l’affection de Thomas, le personnage principal de La vie secrète des gens heureux. Une femme qui n’a rien d’un objet cependant, mais qui crée bien des remous.
Sur le plateau, elle rencontre le réalisateur Stéphane Lapointe, qui en est aussi à sa première expérience au cinéma. « Dès la première audition, il m’a dit que c’était avec moi qu’il voulait faire le film. Et comme c’était mon premier contrat, je me suis sentie désirée dans ce projet-là, et je pense qu’il s’est battu pour que ce soit moi qui aille le rôle. Ça donne de la confiance. »
Est-ce que tous les gens heureux ont une vie secrète? « Une vie secrète…tu parles des gens qui sont vraiment heureux, ou ceux qui ont l’air heureux? Ceux qui sont vraiment heureux savent comment entretenir leur bonheur. »
Est-ce que c’est possible le bonheur éternel dans un couple ? « Je ne sais pas moi, j’ai 26 ans, alors… je pense que c’est… non. Ben, je pense que le bonheur ça s’entretient, et que ça peut s’entretenir à deux à long terme, ça je pense que oui. L’amour après 25 ans c’est fort, c’est fort autrement, pas dans l’intensité mais dans la profondeur du lien qui les unis. »
Stéphane Lapointe
Première expérience cinématographique pour le réalisateur d’Hommes en quarantaine et ancien de la Course Destination Monde, et dont la série Tout sur moi, avec Macha Limonchik, prendra l’affiche cet automne à Radio-Canada. Pour en savoir plus sur l’homme derrière la caméra, lisez notre entretien avec lui. Alors, ce film mystérieux, de quoi parle-t-il?
« C’est un film sur le désir et la désillusion. Ça se passe au cœur d’une famille parfaite, admirée de tous, une famille à succès. Et puis à l’intérieur de cette famille il y a un jeune homme qui est un peu plus tourmenté. Il est mal dans sa peau et timide avec les femmes. Jusqu’au jour où il rencontre Audrey par hasard, qui va lui donner la fougue qu’il a perdue, et peut-être que sa famille n’est pas si glorieuse qu’elle ne le prétend. » C’est tout? « Il y a tellement de punchs, on ne veut pas brimer le plaisir.»
Est-ce que tous les gens heureux ont une vie secrète? « Non, je ne pense pas. Le cinéma est vraiment affamé de drames et de cachotteries. Je pense qu’il y a des gens qui paraissent bien et qui le sont vraiment. C’est le manque d’écoute en fait, qui est le problème de tout. Des parents qui tentent de pousser leurs enfants dans des rêves qui ne sont pas les leurs, si tu es à l’écoute de toi-même et des autres on peut trouver un équilibre harmonieux. »
« Je suis un passionné de cinéma, j’en mange, je suis assez maniaque. Et j’ai un cerveau un peu tordu, un peu habilité à trouver des idées folles, des idées d’histoires, des idées de sketchs, des idées de chansons. Je suis quelqu’un qui est plus à l’aise avec le monde de la fiction qu’avec la vraie vie en fait. C’est vraiment la première twist du film, que je ne dévoilerai pas, qui m’a fait dire qu’il y avait un film là. »
« Ce n’est pas autobiographique, rassurez-vous. C’est sûr que j’ai mis des trucs personnels, j’ai mis de ma sensibilité, mais concrètement je n’ai jamais vécu ça. J’ai un côté Thomas un peu, j’ai eu une période un peu introvertie, un peu mésadapté social. De moins en moins depuis que je réalise, parce que depuis quelques années je me suis un petit extroverti. »
« C’est un film qui se termine avec une note d’espoir, j’ai l’impression que Thomas c’est lui qui s’en sort le mieux. Il a un potentiel de trouver le bonheur, parce que c’est lui qui est peut-être le plus à l’écoute de lui-même. »
« J’aimerais ça que le plus de monde voit cette histoire-là, je suis fier de ce que j’ai fait, et j’ai envie d’en faire un autre film. C’est sûr que ça va aider si quelques personnes y vont, quelques millions. Mais pour l’instant ça va bien, les réactions sont bonnes, les gens réagissent bien. J’espère que ça va continuer comme ça. »
Est-ce que c’est une comédie dramatique ou un drame comique? « Moi, la comédie dramatique c’est une genre qui me plaît vraiment, et je trouve que c’est plein de paradoxes comme la vie. C’est une comédie dramatique parce que ça ri avec les choses tristes, ça émeut avec les choses drôles, ça jongle entre les deux émotions. Une fois que tu as ri, on dirait que le drame te rentre encore plus fort dedans, et une fois dans le drame, l’humour vient soulager le stress. C’est une combinaison magique. »
Gilbert Sicotte fait un retour au cinéma dans le film, après des dizaines de rôles marquants et après avoir travaillé avec des réalisateurs légendaires comme Gilles Carle, Jean-Claude Labrecque ou Michel Brault. « Je suis content du retour de Gilbert Sicotte au cinéma. Tout le monde est content de le revoir. Moi j’ai écris le scénario en pensant à lui. Je cherchais quelque dans ce groupe d’âge-là qui était séduisant et plein d’esprit, et quelqu’un qui était capable de jouer quelqu’un de contrôle. Mais en même temps on sent toujours chez Gilbert une grande humanité. »
« Catherine de Léan s’est imposée d’elle-même, elle avait le côté sauvage et « wild » du personnage, le côté impulsif qui était vraiment nécessaire. Elle a un peu le look d’Audrey Tautou mais avec un côté trash. »
« Ce n’était pas une évidence commerciale. On aurait pu m’obliger à aller avec des personnes plus connues, mais les producteurs ont beaucoup d’audace. C’est des gens qui ont une sensibilité et qui ont vraiment le goût d’emmener notre cinéma ailleurs. »
« Avec Roger et Luc (Frappier et Vandal, producteurs, ndlr) je me suis senti vraiment appuyé, ils ont voulu m’encadrer pour que ma vision des choses se reflète à l’écran. Je me méfiais qu’ils en fassent leur film, mais finalement, je me suis méfié tout au long, mais il n’est rien arrivé. »
Marc Paquet
Auteur et comédien, Marc Paquet a participé aux longs-métrages Histoire de Pen, de Michel Jetté, et Elles étaient cinq, de Ghislaine Côté. Mais il y avait dans ce projet-ci quelque chose de différent.
« Thomas vient d’une famille parfaite, très unie, il est sur la fin de ses études en architecture mais il a perdu un peu la motivation. Il est très très, mais alors là, très très timide, c’est un très gros problème chez lui. Il va rencontrer une fille, qui va lui redonner le goût à la vie, ça va lui donner un petit peu de pep. Par contre, pour ma part, Thomas se questionne sur les valeurs qu’il a reçues. »
C’est une difficulté en soit que d’incarner un personnage timide. « Oui, c’est un bon défi. Le danger, c’est de tomber dans la caricature. Au cinéma, ma vision des choses, c’est que t’as pas le choix, faut que ça soit vivant, sinon ça passe pas parce que la caméra le voit. »
« J’ai reçu le scénario, et là j’ai eu la piqûre, j’ai vraiment été touché par l’histoire. Je trouvais que c’était bien écrit, bien ficelé. L’écriture de Stéphane est très sensible, et dans sa réalisation, c’est encore mieux. »
Et comment s’est passé le tournage? « Ça a été comme une longue fin de semaine. Avec Stéphane ça c’est fait un peu naturellement, on s’entendait bien, on ne passait pas par quatre chemins pour se parler. Moins que tu as de choses qui parasitent la relation, plus le travail avance et plus on peut aller loin. »
« Avec Gilbert au début c’est sûr que c’est impressionnant, mais je dirais que c’est plus impressionnant chez nous, quand on dit : « Oh! Gilbert Sicotte va faire mon père! » . Mais un moment donné, ça devient un moteur et ça te propulse. Gilbert, ce n’est pas pour rien que c’est un grand nom du cinéma et de la télé, il a une générosité dans le fait de donner au autres, il a le souci que l’histoire se tienne, t’as le goût de répondre à ça. »
Est-ce que tous les gens heureux ont une vie secrète ? « Oui. Je pense que tout le monde même. On a tous un côté secret, mais c’est ce qui est intéressant, c’est ce qui fait l’intérêt des relations humaines, la curiosité de connaître l’autre. On a de la difficulté à se connaître totalement nous-mêmes, des fois on se surprend aux réactions qu’on a, aux envies, aux goûts qu’on développe dans la vie. Nécessairement c’est impossible de connaître l’autre personne. »
On a parfois de la difficulté à trouver un mot de la fin, pour clore un compte-rendu d’entrevues d’un film sur le bonheur. Mais Marc Paquet nous l’a donné, profitons-en.
« Heureux 24 heures sur 24 ça ne se peut pas. Même si on l’était on ne pourrait pas apprécier le moment de bonheur parce qu’on le serait tout le temps. Le bonheur ce n’est que des moments. Mais, c’est tellement intense, ça vient chercher quelque chose d’important qu’on a le goût de reproduire ça à chaque fois, c’est une drogue. »