Après avoir été présenté au Festival de Berlin, le film Tout est parfait, d'Yves Christian Fourner, a eu l'honneur d'ouvrir la 26e édition des Rendez-vous du cinéma québécois ce jeudi au Théâtre Maisonneuve de la Place-des-Arts. Lisez la critique du film en cliquant ici.
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Le film, qui racontre l'histoire de Josh, seul survivant d'un pacte de suicide impliquant quatre de ses amis, a été scénarisé par Guillaume Vigneault. Maxime Dumontier, qu'on a pu voir dans Le ring, et Chloé Bourgeois, qui en est à un premier rôle au cinéma, défendent les deux personnages principaux.
Rencontre avec eux.
Yves Christian Fournier
« Le projet a commencé il y a plusieurs années. J’ai rencontré quelqu’un à Portage qui avait été impliqué dans un pacte de suicide... C’est un survivant, j’avais été impressionné. Il avait survécu à sa propre tentative de rejoindre ses amis. La vie le voulait, même si lui ne voulait pas de la vie. Je trouvais ça génial. »
« J’ai mis ça de côté et je me suis perdu dans un autre film qui n’allait pas se faire parce qu’il allait coûter trop cher. J’étais désespéré, et j’ai vu Elephant de Gus Van Sant et à la fin du générique et je lisais en même temps un livre de Guillaume Vigneault... Depuis, les planètes sont alignées. »
Il y a plusieurs films pour adolescents ailleurs dans le monde qui ne sont pas des comédies. « C’est un genre tellement fort à travers le monde, j’étais en droit de me demander pourquoi moi je n’en voyais pas ici des films comme ça. Je me sentais appuyé par un monde de références, mais il fallait que je fasse mon propre film là-dedans. »
Qu’est-ce qui vous a le plus étonné d’un plateau de long métrage? « Je ne penserais pas qu’on couperait autant d’heures de tournage, il a fallu que je me batte, ça a été très difficile. Je ne pensais pas que la chance était aussi importante dans le tournage d’un film... La température, le fait que tu n’aies pas de plan B, de contingences comme en publicité. »
« Je voulais préserver les moments-clés du film comme le film d’animation et certaines cascades. Tous ces éléments-là, plus d’une fois ont été remis en question. Il faut avoir de bons nerfs. »
Est-ce qu’il manque une scène au film qui n’a pas pu être réalisée? « J’ai coupé une heure au montage, mais honnêtement, c’est des locations qui manquent. Il y a des lieux qui étaient plus extraordinaires que où on a tourné. On n’a pas pu tourner là parce qu’il fallait sortir en région. J’aurais voulu tourner encore plus à Asbestos. Mais à cause de la distance de Montréal et des équipes techniques, fallait travailler près de Montréal. »
Est-ce que vos acteurs ont une qualité commune? « La sobriété dans leur jeu. J’ai travaillé à la simplicité et à la véracité de l’émotion intérieure, sans artifices. »
C’était le seul moyen de conserver le réalisme si important au film... « Dans un style comme ça, un rien le brise. Un rien te rappelle que c’est du cinéma que tu regardes. Ce n’est pas aussi poussé qu’un film de Bruno Dumont ou des frères Dardenne, sans musique, sans rien, mais il n’y a presque pas de plans de caméra qui n’est pas simple. On a été le plus sobre possible. »
Le film a été classé 16 ans et + par la Régie du cinéma. « Je suis contre, car ces décisions-là sont prises sans qu’on puisse emmener notre point de vue. Quelqu’un, quelque part, a décidé qu’un jeune de treize ou quatorze ans qui pourrait avoir des envies de se suicider ne pourra pas voir ça. De notre côté on a une spécialiste qu’il dit qu’il pourrait parce que les suicides sont réalistes et que ça montre le deuil que ça crée autour. »
« Je ne comprends juste pas. C’est vraiment plate. Suffit de connaître un ado qui s’est suicidé à cet âge-là pour trouver ça encore plus plate. »
« La censure existera toujours, mais je pense que le Québec aime bien surprotéger. Souvent, un parent qui surprotège un enfant en lui empêchant de voir la réalité ça peut créer encore pire. Dans le film d’ailleurs il y a un des parents qui enferme une petite fille dans sa chambre pour ne pas qu’elle voit le témoignage de son frère... c’est un clin d’œil à ces censeurs-là. »
« Il y a un message positif dans le film, très subtil mais quand même, il y a du soleil partout, c’est possible d’être heureux. Il y a des jeunes heureux. »
Que répondre a quelqu’un qui sortirait de la salle en disant qu’on ignore les motifs de leur geste? « On sait pourquoi. Un des jeunes explique le pourquoi très clairement dans le milieu du film, les signes philosophiques du pourquoi sont dans le film d’animation, après ça... On sait pourquoi un jeune se suicide, on sait que ça prend une pathologie, qu’il y a un effet d’entraînement, on sait que il y a certainement un lyrisme romantique là-dedans... Mais chaque histoire est différente. »
« Donner des explications au hasard ça n’a pas plus de sens. On voulait rester dans le silence parce qu’on le trouvait plus évocateur. »
Guillaume Vigneault
Comment avez-vous été mis en contact avec ce projet? « Nicole Robert m’a appelé pour me dire qu’elle travaillait avec un réalisateur sur un premier film. J’ai été surpris alors j’ai demandé deux semaines de réflexion pour voir si je trouvais des idées, des choses à dire. »
« Il me venait des idées, des personnages... mais surtout des images. Et c’est pour ça que j’ai pu me dire que ce n’était pas un livre, mais un film. »
Justement, est-ce que d’écrire un scénario pour un auteur de roman n’est pas particulièrement difficile? « C’est un passage, mais ça me venait assez facilement. Et c’est pour ça que j’ai accepté, parce que à chaque fois que je voulais faire dire quelque chose et que je trouvais un geste à la place, c’était plus efficace, plus économique. »
« J’aime bien avoir à chercher comment dire les choses. C’est sûr que si j’étais en roman je partirais sur un monologue intérieur, mais dans un film, la caméra s’arrête là. Ou alors on peut rentrer en voice over, mais ce n’est pas un moyen que j’adore, souvent c’est pour pallier à un manque dans l’image. »
Ensuite, il faut laisser le scénario dans les mains d’un autre... « Ça c’est plus le défi pour le romancier. Cela dit, vu qu’on a travaillé en assez proche collaboration depuis le début, j’avais une bonne idée de ce qu’il voulait faire. On échangeait beaucoup, mais c’est sûr que même si je lui fais confiance, il y a tellement d’inconnus en cinéma. Les lieux de tournage, les acteurs, la musique... »
« Malgré tout, c’est une transition assez naturelle. Je suis assez directif, c’est-à-dire que je donne beaucoup de matériel dans les descriptifs d’action, des gestes, des actions, des regards, justement pour remplacer les lignes de texte. »
Est-ce qu’il manque une scène au film? « Je ne me souviens pas laquelle, mais oui. Mais ça ne doit pas être si grave si je ne me souviens pas laquelle! »
Le langage des jeunes est très important dans le film afin que l’histoire paraisse crédible. « J’ai vraiment ouvert les oreilles, parce que le jargon « ado » ça se renouvelle tous les cinq ans. Je voulais être proche d’eux. Mais aussi j’ai donné de la latitude au réalisateur, je ne tenais pas aux mots, mais à la justesse du ton. »
Que répondriez-vous à quelque qui dirait qu’on ne sait pas pourquoi? « Je dirais qu’on sait jamais pourquoi, mais que c’est toujours pour les mêmes raisons. C’est la détresse, c’est la douleur, c’est un mouvement de masse dans un cas de pacte... Mais peu importe les raisons, c’est l’évidence. C’est plus fatiguant et obsédant pour le spectateur de ne pas avoir entendu ce qu’il y a sur le DVD. »
Maxime Dumontier
« Au début pour les premières auditions, on savait que dalle, on ne savait rien, c’était juste quelques questions. Il nous posait des questions et il fallait répondre pour vrai, puis il reposait les mêmes questions mais il fallait mentir. »
Le film fait déjà beaucoup parler de lui car il aborde un sujet délicat... « Pour de vrai, je pense que je n’ai pas réalisé sur le coup les effets que ça pouvait engendrer, l’impact que ça pouvait avoir, les responsabilités. C’est vraiment là, depuis qu’on fait la promotion et qu’on en parle. »
Et quelle a été ta réaction quand tu as eu le rôle? « J’étais bien content parce que le rôle est vraiment cool, et puis c’est mon premier premier rôle. »
« Guillaume avait déjà beaucoup écrit avec du langage de jeunes, mais c’est juste quelques expressions qu’on a rajoutées. On pouvait faire ce qu’on voulait mais on ne l’a pas changé tant que ça. »
Est-ce que un personnage comme Josh devient envahissant même dans la vie personnelle? « Moi, c’est la scène. Je ne deviens pas Josh mais j’ai de la misère à sortir des scènes des fois. Après une journée, j’ai passé par quatre émotions, bien le soir je suis tout mélangé. »
La Régie du cinéma a classé le film 16 ans et +...« C’est ridicule pour vrai que ce soit 16 ans et +. Le film n’est pas si pire que ça, pis tsé, il y en a des jeunes de onze ans, douze ans qui se suicident. Dans Halloween ça gicle du sang tout le temps et c’est 13 ans et +. Mais qu’est-ce que tu veux que je fasse? »
Chloé Bourgeois
« J’ai trouvé ça super intéressant, juste le sujet. J’ai trippé sur le fait que ça parle de suicide, c’est un sujet tellement actuel qu’il faut qu’on en parle. »
Comment s’est passé le tournage avec Maxime? « Moi et Max je pense que ça a cliqué. Tous les deux on est un petit peu dérangés, un peu fous. On a une très belle complicité. » C’était important. « Oui, on ne voulait pas que ça ait l’air de Roméo et Juliette notre affaire. On veut se dire « je t’aime » et que le monde y croit. »
Qui devrait voir le film? « Le monde en bas de seize ans aussi! Je ne comprends pas. Les parents aussi devraient aller le voir. C’est sûr que si tu viens de perdre quelqu’un c’est pas le meilleur moment. »
Est-ce qu’il est arrivé que Mia apparaisse dans la vie de Chloé?« Ouais. Souvent, souvent, parce que je n’ai pas vraiment parlé de ce film-là au monde. Ça aurait été difficile de croire que la fille qui travaille au Cora Déjeuner fait un film. Mes amis proches qui savaient que je faisais un film me disaient parfois que je n’étais pas moi et il fallait que je reprenne mes idées. »
Mais maintenant, le métier d’acteur t’intéresse? « Ce n’est pas ça que je voulais faire, je m’en allais en carrosserie à la fin de mon secondaire. Finalement, je suis dans ce milieu là, j’ai la piqûre et c’est ça que je veux faire. »