Le film Grande Ourse - La clé des possibles, tiré de la série télévisée du même nom, prend l'affiche aujourd'hui. Réunissant le réalisateur Patrice Sauvé et le scénariste Frédéric Ouellet, le film retrouve aussi ses comédiens principaux : Marc Messier, Normand Daneau et Fanny Mallette.
Lisez nos rencontres avec eux un peu plus bas. Voyez aussi notre galerie de photos de la première du film, en cliquant ici.
Patrice Sauvé
Crois-tu que tu étais un réalisateur différent sur le plateau du film par rapport à celui de la série? « Oui, probablement. Les comédiens ont dû me trouver plus angoissé que sur le plateau de télé. Entre autres parce que j’ai mis la barre plus haute, je voulais que le spectacle soit encore plus grand, et pour y arriver la rigueur que ça demandait faisait que je ne pouvais pas lâcher une once du morceau. »
« J’étais très content de retrouver ma gang, mais il reste que le challenge était énorme parce que je voulais que ce soit un grand spectacle, que ce soit un grand divertissement du début à la fin. »
Mais il y a beaucoup moins de temps pour élaborer une histoire au cinéma qu’à la télévision... « C’est plus court en durée, c’est vrai, mais tu te retrouves avec un autre problème. À la télé, il y a des pauses commerciales et des fins d’épisode. Tes personnages existent sur plusieurs épisodes ou plusieurs scènes. Souvent au cinéma tu as quatre scènes pour révéler un personnage, pour lui faire faire ce qu’il a à faire. Si tu rates une de ces quatre-là, le personnage ne marche pas. Au cinéma, s’il y a un plan qui fait décrocher, je suis fait. »
« Aussi, tu as moins de personnages sur lesquels t’appuyer pour faire évoluer ton histoire, donc tu vas plus précisément avec un personnage et il ne faut pas que tu le lâches. Tu dois être avec lui, c’est un autre genre de défi, qui est plus dangereux au cinéma. »
Est-ce que le montage sert davantage de moment « d’écriture » au cinéma? « Non. Par rapport au scénario, il y a peut-être deux scènes qui sont sur le plancher de la salle de montage. Je te dirais que ce avec quoi on joue beaucoup au montage, c’est avec la rythmique, donc déplacer des scènes. Resserrer des scènes ensemble, c’est une question d’élastique émotif aussi. En montage on a vraiment rebrassé la structure, parce qu’on sentait qu’on s’éloignait de Lapointe. On a choisi d’être plus proactif avec nos plans. »
« Je suis quelqu’un qui ne tourne pas beaucoup de plans différents. Premièrement parce que je n’ai pas l’argent, mais aussi parce que j’ai la prétention, parfois à tort, que je sais où je m’en vais. »
« Tout est comme un cône qui va où tu veux que le public regarde, même au niveau du son. Il y a un cône visuel dans le temps, et il y en a un émotif. Je ne te manipule pas, je fais juste mettre les choses en place pour te dire de regarder par-là, en te promettant que ça ne sera pas plate. »
« Moi j’ai toujours aimé, ti-cul et comme spectateur, me faire donner un bon show. Alors si j’ai la prétention de te faire asseoir dans une salle et d’éteindre les lumières, je vais tout faire pour que ce soit au moins divertissant. »
As-tu la crainte que le public ne comprenne pas? « On a toujours eu peur de ça... On a essayé de s’assurer que l’émotion était claire. J’espère que je dis au monde : « tu ne comprends pas tout, mais reste, tu vas comprendre ». Il faut que tu te laisses porter par ça, par l’étrangeté de l’affaire. Tout finit par s’expliquer. »
Marc Messier
Trouvez-vous que Lapointe a beaucoup changé depuis le premier épisode de la première série? « Oui, je trouve qu’il a changé un peu. Quand il est arrivé, il était comme un peu frais chié, un peu amer, méprisant. Avec les années on dirait qu’il devient plus respectueux, plus tendre. Il est plus serein un peu. »
Est-ce qu’on vous a consulté pour élaborer le scénario? « Après la première série, on avait jasé un peu de ce qu’il pourrait arriver à nos personnages, mais c’est un monde tellement complexe que c’est Frédéric et Pat qui détiennent toutes les clés. »
« Le monde parallèle et le monde réel, quand on le voit, c’est très clair, mais quand on le tournait, nous, tout ça pêle-mêle... » Ça ressemble un peu au métier d’acteur... « Ouais, ouais, mais là c’était la vie des personnages dans un autre monde, avec les mêmes personnages. Les deux histoires ont leur logique. »
« C’était important pour nous que mon personnage dise qu’il est un homme et qu’il décide de son destin. Dans le film, chacun fait son destin, chacun est responsable de sa vie. »
Il n’est pas nécessaire d’avoir suivi la série pour comprendre le film. « Il n’y a pas tellement de références, on peut très bien suivre. »
Est-ce que Patrice Sauvé était différent, lui? « Non, c’était le même Patrice. Ça a été tourné en 29 jours seulement, alors il passait sa vie à trouver des manières plus simples de faire les choses... Il a vraiment travaillé fort. Je ne vois pas quelqu’un d’autre réaliser ça, parce qu’il connaît tellement bien ce monde-là. Tout est plus simple pour nous aussi, parce qu’on se connaît mieux. »
Est-ce qu’il y a une scène qui était dans le scénario mais qui n’est pas dans le film et qui vous manque particulièrement? « Il y en a plusieurs, mais il y en a une qui me plaisait beaucoup. Au début du film, un moment donné Lapointe allait sur le pont et regardait le fleuve, on avait presque l’impression qu’il allait se jeter, il y avait une grosse charge émotive. »
« Il y avait des scènes qui se passaient dans une épave, au fond du St-Laurent, l’épave de l’Empress of Ireland. Il y a plein de choses comme ça qui coûtaient vraiment trop cher. »
Normand Daneau
Est-ce que Patrice Sauvé était différent sur le plateau du film que sur celui de la série? « Pour Grande Ourse, honnêtement pas vraiment. Patrice a toujours travaillé de façon cinématographique de toute façon, même à la télévision quand on faisait La vie, la vie. Il tourne, il cadre, il choisit des objectifs, il fait des cadrages de cinéma. On travaille comme si on tournait un film, juste plus vite. »
« On avait aussi l’avantage d’avoir une ou deux saisons derrière la cravate. Patrice est toujours là pour nous guider, mais il pouvait nous faire confiance, on connaît très bien les personnages. »
Mais il n’est pas nécessaire de bien connaître la série... « C’était vraiment un pré-réquis. Il fallait réussir à faire un film où il y a quelques clins-d’œil, mais qui a une intrigue autonome que ceux qui n’ont pas vu la série peuvent suivre. C’est tout-à-fait légitime, et je pense que c’est bien nuancé à ce sujet-là. »
« Là tu as une intrigue, à fond la caisse sur 1h40. C’est un beat the clock, il y a un deadline, il faut sauver Biron. Ça ne concentre pas juste l’intrigue dans le temps, mais aussi au niveau émotif pour les personnages. »
D’un autre côté, Biron et Gastonne sont drôles, mais sans le savoir. « Exact. Il ne faut jamais jouer la comédie, c’est la situation qui devient l’humour. Il faut le jouer le plus sérieux possible, si tu joues le gag, il n’est plus drôle. »Mais sur le plateau, est-ce que c’est drôle? « Ah oui! Il faut rire, c’est important, même quand c’est une tragédie. C’est important de rire, c’est ça qui te rend disponible au jeu, ça te libère le corps. C’est vraiment essentiel. »