Après la polémique de dimanche, une importante campagne de promotion, la frénésie médiatique de la première de lundi soir, Cheech prend l’affiche partout au Québec cette fin de semaine. Le film, écrit par François Létourneau, réalisé par Patrice Sauvé et mettant en vedette Patrice Robitaille, raconte l’histoire d’une journée très morne dans la vie de six personnages obscurs.
Ron est le propriétaire d’une petite agence d’escorte de Montréal. À son arrivée au bureau un matin, il se rend compte qu’on lui a volé son « book », qui contient les photos de toutes les filles. Aux prises avec une sévère dépression, Ron n’arrive pas à se soigner. Pas plus que Stéphanie, une de ses filles, envoyés chez un client, Olivier, alors qu’elle est suicidaire. Et Jenny, sa vedette, qui lui jure fidélité mais qui souhaiterait changer d’agence et travailler pour Cheech.
Le film met également en vedette Anick Lemay, Maxime Denommée, Maxim Gaudette, Fanny Mallette et Gilles Renaud.
Patrice Robitaille
« Ron, c’est un propriétaire d’une petite agence d’escorte – par escorte on entend vraiment des mademoiselles qui offrent des services sexuels. Il y a un congrès d’hommes d’affaires dans la ville, et Ron voit une opportunité de grossir son agence. Il jour, Ron arrive à l’Agence et on a cambriolé son bureau, et il a perdu son book. »
L'acteur, qui a beaucoup travaillé l'an dernier autant au cinéma (Maurice Richard, Horloge biologique) qu'à la télévision (François en série, Les invincibles) décrit ainsi son personnage, le principal de Cheech, et le début de l'histoire du film.
Il a d'ailleurs une recommandation. « Faut que le spectateur qui vient voir ce film-là, je pense, s’abandonne et accepte d’être un peu égaré pendant une bonne partie du film, et peu à peu on lui tend des perches pour le garder avec nous-autres. »
Cheech fait-il de la morale? « Non. Je ne pense pas que François, qui a écrit le show, veuille donner dans la morale, pas du tout. Ça ne prend pas le spectateur par la main, c’est à lui de tirer les conclusions qu’il a à tirer, si conclusions il y a à tirer. »
Patrice Robitaille a joué à La Licorne la pièce, écrit par François Létourneau, intitulée Cheech ou les hommes de Chrysler sont en ville. Ces donc avec plusieurs vieux amis qu'il a travaillé sur le film. « Ça a été fort agréable, François c’est mon meilleur ami, je suis tout le temps avec lui, je trouve qu’il a énormément de talent et un très grande sensibilité alors c’est toujours agréable de travailler avec lui. Et Pat, ben c’est un très bon réalisateur qui sait où il s’en va, pis toi ben tu te laisses aller à ses directives et ça va très bien »
Prochainement, l’acteur sera de la seconde saison des Invincibles jusqu’en décembre, et sera aussi de François en série en octobre prochain. Mais il n'est pas encore question de refaire équipe avec la gang de Québec-Montréal. « Non, pas pour l’instant. On s’est dit qu’on voulait récidiver mais, on a chacun nos affaires de nos côtés respectifs, alors on n’a pas le loisir de travailler ensemble pour l’instant. »
Patrice Sauvé
« Une journée épouvantable, dans la vie de six personnages qui ont plus ou moins rapport avec un agence d’escortes. » Voilà les mots que choisi le réalisateur de Grande Ourse et La vie, la vie, pour décrire son premier long-métrage.
Non sans ajouter : « Sous des apparences de film de gangsters, film noir du genre de « qui a tué qui? », c’est un film qui nous parle de thèmes plus graves, plus profonds comme la solitude, la dépression, le mal de vivre et du besoin profond qu’on a tous d’être compris, de compassion et de tendresse. » Comment s'est-il retrouvé ave le projet dans les mains? « Pour une des premières fois de ma vie c’est moi qui est allé au projet. J’ai vu la pièce de théâtre, et j’ai appelé François le lendemain, que je ne connaissais pas, pour lui dire qu’il y avait un film dans cette pièce-là, et que je serais un bon réalisateur pour le faire. »
A-t-il participé à l'élaboration du scénario du film? « Je n’écris pas, je ne tape pas, et je suggère rarement des répliques. Premièrement on s’entend sur l’histoire qu’on veut raconter, puis François écrit, et moi je confronte ça. J’influence plus la structure narrative et l’histoire elle-même que les personnages. »
Il y a eu plusieurs modifications à la pièce pour la transposer au cinéma. « Parce que c’est bien qu’on parle du même thème et que le personnages soient similaires. Mais l’efficacité au théâtre n’est pas la même qu’au cinéma. Si on avait appliqué littéralement ce qui avait été fait au théâtre, ça ne fonctionnerait pas. Aussi, c’est que c’est Blanchette (Frédéric, metteur en scène de la pièce, ndlr) qui a fait la mise en scène et moi je suis Sauvé. La mise en scène était très bonne, elle m’a beaucoup inspirée, mais moi je n’avais pas envie de faire ça. Les préoccupations au niveau de la thématiques étaient les mêmes, mais pas au niveau stylistique, de la syntaxe. La façon que moi, j’aime raconter. »
Il a donc été facile de choisir les comédiens de la pièce pour s'incarner au cinéma. « Aucun comédien imposé, il y en a beaucoup de la pièce évidemment, certains qui n’y sont pas et certains personnages nouveaux, mais je les ai tous rechoisis, certains en casting d’autres pas. Je les connaissais bien, j’avais travaillé avec eux sur La vie, la vie ou sur Grande Ourse, donc tu essaies toujours de garder quand tu peux une communauté là-dedans, avec qui tu as un grand rapport de confiance, surtout avec quelque chose comme Cheech qui n’est pas convenu au niveau des émotions. Alors il faut des gens qui sont très disponibles, qui te fassent énormément confiance sur le ton que tu vas donner pour que ce soit crédible. » Kathleen Forton est la seule à ne pas jouer Jenny au cinéma, elle est remplacée par Anick Lemay.
« Pour le personnage Jenny, il y a eu une grosse grosse évolution par rapport au théâtre, alors c’était vraiment important d’aller reconfronter le personnage, alors il y a un casting beaucoup plus grand qui s’est fait et c’est Anick qui est ressortie. Et Anick, en ce moment, elle est maître de son jeu, elle a un grand contrôle de son art, donc une grande liberté. »
Cheech s'adresse-t-il à un public particulier? « Je ne l’ai pas fait en pensant à un public cible. Je crois que le thème est assez fort, et qu’on a tous ressenti ou vécu à partir de l’adolescence. Il est évident que plus tu as passé du temps dans ta vie dans un appartement tout seul dans un grande ville, plus tu as de chance de comprendre ce qui se passe avec ses personnages là. »
« Et plus tu as de références de cinéma, de littérature, de télé et d’humour noir et d’une tonalité plus grinçante et cynique, plus tu as de chance pour entrer facilement dans ce film-là. »
Les premières critiques de Cheech sont froides, l'accueil semble difficile depuis Toronto (où le film était présenté au Festival de l'endroit). « C’est sûr que je ne m’attends pas à ce que ce soit le deuxième Bon Cop, Bad Cop de l’année, si ça l’est, c’est un heureux miracle, mais ce n’est pas notre volonté. On fait un film qui demande du travail, le spectateur doit travailler, et il est laissé à la fin avec les cadeaux qu’on lui laisse. »
« Ce n’est pas ennuyant, il y a une belle charge dedans, un belle ride de montagnes russes, c’est ce que je voulais. Je voulais donner un bon show. C’est comme quand tu lis un bon roman, tu t’en vas chez vous et tu l’as en toi, c’est ce que je voulais faire avec Cheech. »
François Létourneau À son tour, l'auteur et comédien nous parle de sa vision du film. « Je me suis dit que ça pourrait être un milieu intéressant pour parler de dépression et de solitude. Toute l’histoire d’agence d’escorte, c’est vraiment une anecdote, le film parle pas du tout de prostituion. » « J’avais le goût de parler de ces thèmes-là mais d’une façon divertissante. La pièce était clairement une comédie; le film est aussi une comédie, mais c’est plus tragique. J’aime mieux pas dire que c’est une comédie, parce que les gens vont s’attendre à rogiler. Moi il y a des affaires qui me font rire dans le film, mais c’est des affaires qui ne font pas rire ma mère ou mon père. »
Concernant la réécriture de l'histoire pour le cinéma? de l« Je voulais garder la même histoire, mais j’avais le goût de prendre des nouveaux risques. Et Patrice m’a beaucoup relancé J’ai écrit le scénario et je l’ai donné à Patrice, et il a fait son film. Le même scénario aurait pu susciter plusieurs films différents. »
Et le travail avec Patrice Sauvé, pour sa première expérience derrière la caméra? « Patrice c’est un gars très exigeant, qui travaille très fort, qui arrive sur le plateau très préparé, qui sait ce qu’il veut. Il a confiance en lui, et ça paraît quand il tourne. C’est pas un gars qui va faire 1000 prises, son film est déjà fait dans sa tête. Et comme acteur, ça met en confiance et ça aide à mieux jouer. »
« Je ne suis pas dépressif, mais j’ai une tristesse en moi qui a toujours été là. Pour moi, c’est quelque chose que j’ai en moi. De toute façon, comme acteur, moi, je n’essaie pas de me transformer, je pars beaucoup de ce que je suis. Je fais confiance à l’histoire, c’est elle qui va faire le personnage. »
« Dans la pièce c’était comme ça aussi, on ne sait rien des personnages, c’est ça que je voulais. Vraiment prendre une journée, et on n’a pas d’information biographique. En lisant le scénario ils disaient : « oui mais pourquoi ils sont en dépression? ». J’ai dit : « on n’a pas besoin de tout expliquer. »
Lisez la critique du film, en cliquant ici.