Le troisième long métrage d'Olivier Asselin, Un capitalisme sentimental, prend l'affiche aujourd'hui à Montréal et Québec. Le film met en vedette Lucille Fluet, Alex Bisping, Paul Ahmarani et Sylvie Moreau et se déroule en 1929 alors que Fernande Bouvier, artiste ratée, devient la première personne cotée en bourse.
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Olivier Asselin
On dirait qu’Un capitalisme sentimental ne pourra pas être beaucoup plus actuel. « Le contexte économique actuel nous donne raison, mais le film a pris sept ans à financer. Le krach de 1929, pour moi, c’est un événement emblématique. La spéculation boursière a un impact sur toute la vie en société; c’est l’une des causes de la montée du nazisme en Allemagne, ça a transformé les choses aux États-Unis... On vit encore en 1929, dans une société où le prix est le principal étalon de la valeur. On suppose que toute chose a un prix. Vous, vous avez un salaire, moi, je suis juste aussi bon que mon dernier film. »
Quand même, l’ambiance est à la fête, on va en profiter pour chanter et danser... « Je me demande toujours comment parler de tout ça. Je pense que le documentaire est un très bon genre, mais en même temps, comment dire l’abstraction du capitalisme? Faire un film psychologique sur les relations humaines, ça ne dit pas tout, alors il fallait un degré d’abstraction, un peu d’ironie et un peu d’humour. »
« La question économique a un impact sur la question culturelle. Si la culture américaine est si dominante c’est qu’entre les deux guerres l’Amérique est devenue le pays le plus puissant du monde et qu’il a exporté sa culture pour vendre son mode de vie, alors ce n’est pas neutre la comédie musicale. C’était important pour nous de prendre la question de la logique économique au niveau des formes artistiques et culturelles. »
Et on peut dire que le film sera vu par plus de gens justement parce qu’il est un film de fiction plutôt qu’un documentaire. « Oui, ça c’est vrai. Même si, grâce à des gens comme Michael Moore, le documentaire a une plus grande distribution qu’avant, qu’il sort de la télévision, c’est sûr que les gens aiment bien être divertis, et moi je n’ai rien contre le divertissement. Je peux comprendre que les gens, lorsque arrive le soir, ne veulent pas aller se faire faire la leçon. »
Est-ce que le faire d’être en même temps professeur et réalisateur est un avantage? « Je me trouve choyé de faire ça, parce que je ne suis pas jeté dans cette arène pleine de fauves qu’est le milieu du cinéma. Gagner sa vie, juste avec le cinéma, c’est pas facile. Il n’y a pas beaucoup d’argent, les longs métrages sont financés difficilement, et moi d’enseigner ça me permet de faire le cinéma que je veux. »
Croyez-vous que ce mythe de l’Artiste qui fait ce qu’il veut, sans compromis, est condamné à disparaître? « Moi qui me suis beaucoup intéressé aux avant-gardes, j’ai suivi beaucoup de vies pathétiques. Pour un Picasso, il y a 40 personnes oubliées. Je ne pense pas que le modèle de l’artiste maudit soit nécessairement un modèle viable aujourd’hui, parce que c’est l’artiste qui souffre énormément. »
Picasso, d’ailleurs, devient au cours de sa vie une marque de commerce, exactement comme Fernande Bouvier dans le film. « Il est important que l’art soit subventionné par l’État précisément pour ça. Si l’art est entièrement commercial il y a des choses que ne se diront pas, il y a des manières qui ne seront pas présentes, et il est donc très important que l’État donne des alternatives. »
Y a-t-il des scènes du scénario que vous auriez aimé voir à l’écran mais qui ont été coupées? « Il y en a pas mal... Le scénario faisait 200 pages, un moment donné. On a coupé au scénario, on a coupé au montage. Il y avait un moment par exemple où notre héroïne devait passer par Ellis Island pour entrer aux États-Unis. On posait des questions aux immigrants : êtes-vous chômeur? homosexuel? prostitué? malade? Si vous répondiez « non », vous pouviez entre aux États-Unis. »
Avez-vous déjà un autre projet de film? « Oui, et je peux vous dire qu’il se passera au XXe siècle. Il sera question de science et de politique. »