Le conseil d'administration de Cinéma Parallèle, opérateur d'Excentris depuis 2011, annonce la suspension provisoire des activités en salle à compter de ce jour, par le dépôt d'un avis d'intention de faire une proposition à ses créanciers.
Depuis le rachat et la réouverture du lieu il y a quatre ans, Excentris s'est battu sans relâche pour le maintien de son mandat de diffusion dans un contexte d'industrie en mutation. Vitrine du cinéma d'auteur, au plus proche des créateurs, Excentris proposait une programmation faisant contrepoids à l'offre commerciale des multiplexes. Pendant la même période, Excentris a su s'adapter aux évolutions rapides de l'industrie avec le lancement de sa plateforme de cinéma en ligne en février 2014 en collaboration avec l'Office national du film : une initiative audacieuse pour une salle de cinéma.
Autofinançant ses opérations de 80 à 90%, Excentris a diffusé quelques 150 titres annuellement, en restant fidèle à son mandat de diffusion :
- La programmation de cinéma d'auteur de niche : cinéastes québécois émergents, réalisateurs étrangers peu connus au Québec, œuvres expérimentales, programmation événementielle en collaboration avec des partenaires;
- La programmation de films de cinéastes indépendants confirmés (Woody Allen, Quentin Tarantino, Wim Wenders, etc.) : des titres à plus large portée et donc à plus fort potentiel de revenus.
La loi de Pareto devrait normalement s'appliquer comme ce fut le cas les années précédentes : 80% de la programmation devrait être composée de titres de niche, lesquels rapportent 20% du box-office, et 20% de notre programmation devrait être composée de titres indépendants à plus large portée auprès du public avec 80% des revenus de billetterie à la clé.
La santé financière d'Excentris est donc directement proportionnelle à sa capacité à s'approvisionner auprès des distributeurs en films d'auteur à plus large portée. Et c'est là que le bât a blessé. Malgré ses efforts, c'est à armes inégales qu'Excentris a dû faire face à la forte concentration de la distribution et de la diffusion de films au pays. Les difficultés pour obtenir ces titres se sont manifestées dès la réouverture en 2011 et se sont amplifiées depuis cet été, avec des modifications rapides des stratégies commerciales de mise en marché des films.
Pour maintenir son activité, Excentris n'aurait eu besoin que de 4 films porteurs supplémentaires cette année, comme ce fut le cas en 2013 et 2014. Or, plusieurs de ces titres nous ont été soit purement et simplement refusés, soit proposés plusieurs semaines après leur sortie sur les écrans du plus gros exploitant situé à proximité d'Excentris.
En cette période où tous les joueurs de l'industrie audiovisuelle cherchent à s'adapter aux changements des habitudes des cinéphiles, la loi du marché a pris le dessus. Elle contraint Excentris, l'un des maillons les plus fragiles de l'écosystème québécois, à suspendre provisoirement ses activités en salle, ce porte-étendard de la relève qui proposait au public des films plus pointus, moins accessibles, mais pas moins nécessaires, assurant ainsi la diversité cinématographique.
L'heure est donc à l'étude de différents scénarios pour la suite des opérations. Si l'activité de diffusion en salle est provisoirement suspendue, le cinéma en ligne est maintenu, et les évènements corporatifs de novembre et décembre prévus à l'agenda auront lieu.