Les films sur la jeunesse sont nombreux au Québec. Un des plus beaux et marquants à avoir vu le jour au 21e siècle est certainement À l'ouest de Pluton. Sans nouvelle cinématographique de son coréalisateur depuis ce « classique » de 2008, le voici qui rapplique enfin avec le joli et lumineux Les rayons gamma.
Remplaçant la banlieue blanche par un quartier multiethnique de Montréal (celui de Saint-Michel), le cinéaste Henry Bernadet propose avec sa nouvelle fiction un portrait d'une jeunesse rarement montrée sur les écrans québécois. Des gens issus de différentes communautés qui affrontent l'adolescence à leur manière, entre confiance et résilience. Qu'ils soient indignés par le monde qui les entoure comme Fatima, davantage dans leur bulle à la manière de Toussaint, ou simplement ennuyé par un cousin de passage, tous ont soif d'exister.
Ils le peuvent grâce à ce long métrage frais et pétillant, qui arrive à être tour à tour tendre et tendu, mélancolique et hilarant. Le film choral se déploie sur différents axes, étant moins intéressant lorsqu'il se cache derrière ses dispositifs narratifs que lorsqu'il laisse le réel prendre le dessus. C'est là que l'authenticité de ses personnages se dévoilent au grand jour, s'affichant avec une grâce et un désir de créer des liens avec l'Autre, de briser le mur de l'indifférence et de l'individualité.
Tout est une question de casting, et celui des Rayons gamma s'avère particulièrement rafraîchissant. Les comédiens non professionnels qui apparaissent à l'écran sont criant de vérité, possédant des bouilles imparables. Mention spéciale à Chaïmaa Zineddine, qui semble sortir d'un opus d'Andrea Arnold. Ils sont capables d'improviser à partir d'une structure scénaristique ouverte et souple. Bien que le naturel coince dans certains cas, la plupart s'en sortent avec les lauriers.
Comme dans À l'ouest de Pluton, la mise en scène s'apparente au documentaire et au cinéma direct avec sa caméra à l'épaule et son éclairage naturel. Il y a pourtant un désir constant de rappeler que le septième art s'inscrit dans la vie de tous les jours. Cela donne des plans oniriques et contemplatifs qui sollicitent un esthétisme plus plastique. Et, surtout, une sorte de magie cinématographique qui permet à un voyage sensoriel et poétique d'opérer. Sans crier gare, le quartier où se déroule l'action s'estompe, étant remplacé par une zone pas trop éloignée du conte qui déploie l'univers des possibles pour sa population.
Sans doute que Les rayons gamma manque un peu de profondeur et que ses détours plus dramatiques (chaque personnage devra réparer ses erreurs avant la fin) se révèlent artificiels. Mais il possède suffisant de chaleur et d'humanité pour qu'on y prête attention. Voilà le rare film divertissant et existentiel qui s'adresse à tout le monde, peu importe son âge et son milieu.