Marc-André Grondin et Yves Jacques sont les têtes d'affiche du suspense psychologique Le successeur, second long métrage du cinéaste français Xavier Legrand.
Le récit nous fait suivre un jeune prodige du milieu de la mode qui est forcé de rentrer au Québec pour s'occuper des funérailles de son père, avec qui il était en froid depuis plusieurs années. Lorsqu'il arrive à destination, le jeune homme découvre des secrets qu'il aurait définitivement souhaité ne jamais connaître.
Nous avons eu l'opportunité de nous entretenir avec les deux comédiens quelques jours avant la sortie dans les cinémas de la Belle Province de cette coproduction France-Québec-Belgique.
Pour les deux principaux intéressés, travailler avec Xavier Legrand était une chance à ne pas manquer.
Yves Jacques était déjà familier avec le cinéaste, dont il avait fait la connaissance quelques années plus tôt par l'entremise d'amis communs. Ce dernier a tout de suite pensé à lui pour le rôle de Dominique Duchesne.
« Il m'a dit : ''Je suis en train de t'écrire un rôle aux petits oignons pour mon prochain film. Si tu es d'accord, je t'envoie le scénario dans quelques semaines''. Et je suis tombé sur ce scénario extraordinaire », se souvient Yves Jacques, qui interprète un personnage nébuleux face auquel il est difficile de se positionner.
Pour Marc-André Grondin, Le successeur représentait aussi un superbe défi en tant qu'acteur.
« Au-delà du fait que j'avais vraiment envie de travailler avec Xavier Legrand, il y avait le défi du huis clos, d'être seul pendant les trois quarts du film à tourner en rond, à faire des crises de panique. Il y a un défi physique et émotionnel, parce que tu ne peux pas t'appuyer sur le jeu des autres. Tu es pris avec toi-même. Il faut que tu aies beaucoup d'abandon, et que tu te laisses guider par le réalisateur », explique-t-il.
Une scène du film Le successeur - Entract Films
Le successeur est un suspense à propos duquel est il est préférable d'en savoir le moins possible avant de se lancer. La structure du film est clairement divisée en trois actes, chacun venant avec son lot de révélations choc.
« Pour apprécier le film, il ne faut rien savoir. Je ne savais rien quand j'ai lu le scénario, et je me souviens encore d'arriver à LA page et de faire comme : ''C'est quoi ça?'' », confie Marc-André Grondin.
« Quand tu le revois, tu te rends compte, dans la première partie, qui semble un peu anodine et légère, qu'il y a plein de clés sur ce qui va arriver par la suite. Il y a plein de plans qui font écho à ce qui va arriver plus tard.
C'est un film qui fait travailler beaucoup le public, qui est essoufflant, étouffant, parce qu'on est pris à l'intérieur de cette maison et de cette tragédie avec mon personnage. On étouffe. C'est bizarre, parce qu'on subit un peu ce que lui vit, mais on n'est pas nécessairement empathique. On est comme aspiré, on manque d'air. »
Une scène en particulier, en toute fin de parcours, a demandé beaucoup sur le plan émotionnel à Marc-André Grondin. Surtout que le film, dont le tournage s'est étalé sur environ 25 jours, a été filmé en ordre chronologique.
« La fatigue embarquait au fur et à mesure que le tournage avançait. Quand tu arrives à la fin, toutes les protections que tu peux avoir comme acteur ne sont plus là, parce que tu es brûlé, tu es fatigué, tu as déjà joué ton lot de crises d'angoisse », explique-t-il.
« J'ai rarement braillé autant dans un projet sans que ce soit pour faire pleurer le monde. Ce n'est pas là pour toucher les gens et sortir les violons. Tu pleures, parce qu'il n'y a plus rien, il y a comme une sorte d'abandon [...] Pour un personnage qui a bâti toute sa vie sur l'image, sur la reconstruction de son image, qui travaille dans un milieu qui est basé sur l'image aussi... On arrive à la fin, et il n'a plus aucun contrôle sur son image... Il y a quelque chose de très laid. »
Une chose qui pourrait devenir une forte tendance au cours des prochaines années pour permettre aux artistes d'ici et d'ailleurs de créer à la hauteur de leurs ambitions - et surtout de mieux respirer -, ce sont les productions cinématographiques découlant de la collaboration entre divers pays de la francophonie, comme le présent long métrage.
Une possibilité que les deux comédiens voient d'un très bon oeil, soulignant les nombreuses possibilités que cela pourrait créer à long terme.
« Il y a un succès qui se joue à Londres, dans le West End, qui va se retrouver sur Broadway, et après, à Hollywood, ils en font un film. Pourquoi nous, entre francophones, on n'arrive pas à faire ça? On a des auteurs extraordinaires ici, des pièces magnifiques qui pourraient être jouées là-bas, dont ils pourraient tirer un film », souligne Yves Jacques.
« C'est ce que j'aime dans le travail de Xavier Legrand. Il faut être audacieux en maudit pour faire un film français avec deux acteurs principaux qui jouent en québécois. Et tout le monde a embarqué. »
« Je pense que ça peut donner la chance de faire des projets qui ne réussiraient pas à trouver leur financement ici. Le partage des liens entre divers territoires est vraiment important », conclut Marc-André Grondin.
Le successeur prend l'affiche partout au Québec le vendredi 2 février.