Jour 1
Je pars dans quelques intants à l'assaut du Nord et des Laurentides pour le troisième Festival du Film de Tremblant (entendons-nous sur FFT), qui débute ce soir avec la présentation du film Sans arme, ni haine, ni violence, de et avec Jean-Paul Rouve (qui sera sur place, selon mes espions spécialement engagés pour l'occasion). Le film met aussi en vedette Alice Taglioni, vue dans La doublure, (qui ne sera pas sur place, au grand désespoir de mes espions) et Gilles Lellouche.
Qui d'autre sera là? Pour continuer à faire du name-dropping presque indécent : le réalisateur Gérard Krawczyk (L'auberge rouge), Lyne Charlebois (Borderline), Anne-Marie Cadieux, la productrice Sodia Sondervan, l'actrice d'origine montréalaise Emmanuelle Chriqui (You Don't Mess with the Zohan), Laurent Lucas et Mark Lindsay forment le jury qui sera chargé d'évaluer les huit films en compétition. Une trentaine de films seront présentés en tout.
Tout ça se termine dimanche, jusque là, on vous tient au courant quotidiennement.
Pour tous les détails et la billeterie, visitez le site officiel.
Jour 2Il faut tout d'abord se rétracter : le jury n'était présent qu'à moitié, hier soir au FFT (et je parle physiquement, puisque plusieurs jurés manquaient tout simplement à l'appel) pour voir Sans arme, ni haine, ni violence, de Jean-Paul Rouve. Un film bien sympathique et souvent ingénieux qui raconte efficacement (le véritable mot-clé pour décrire ce film) l'histoire d'Albert Spaggiari, l'auteur du « casse de Nice ». Un film grand public porté par les trois bonnes performances de ses acteurs principaux (dont Alice Taglioni, dont la voix peut m'appeler n'importe quand pour me dire n'importe quoi : 514-730-8183). Sans blague, Rouve est efficace tout comme Lellouche, même s'ils tombent parfois dans l'excès (surtout le premier, aussi réalisateur, à qui il fera grand bien de ne se consacrer qu'à un ou qu'à l'autre) et les dialogues pré-fabriqués.
Le film était précédé du brillant film d'animation Claude Cloutier Isabelle au bois dormant, récompensé aux Jutra, qui mélange culture collective québécoise, humour délicieux et post-modernité. Une perle, vraiment. N'importe quoi avec le Bonhomme Carnaval est une perle, me rétorqueront certains, et ils auront raison.
Aujourd'hui, les projections débutent à 13h30 avec Rabbit without ears, un film allemand de Til Schweiger présenté en compétition coup-de-coeur. Le film raconte l'histoire de Ludo, un véritable don juan qui, à la suite d'une maladresse, est condamné à faire du travail communautaire dans une classe de maternelle... Le film sera aussi présenté demain à la même heure.
Suivront cet après-midi Non Pensarci, de Gianni Zanasi, et enfin 24 mesures, de Jalil Lespert, dès 19h. Dans ce film, qui prendra l'affiche au Québec dans quelques mois, Benoît Magimel retrouve Lubna Azabal, Sami Bouajila et Bérangère Allaux pour un film-orchestre qui verra les destins que quatre individus se croiser au cours d'une nuit très mouvementée. Un peu comme celle d'André Lavoie, critique du Devoir, qui, selon mes espions et à l'encontre de ses habitudes, s'est laissé entraîner dans le vice par l'air festif et souillé par le stupre de Tremblant, bien calme en ce mercredi soir. Aucune crainte à avoir, la morale est sauve, et puis, que voulez-vous qu'un critique de cinéma fasse quand rien, rien, rien n'est prévu après le film d'ouverture pou lancer officiellement, dans le glamour et l'excès, le FFT?
Reste le cinéma - ce qui est déjà bien - que nous verrons dès cet après-midi. On vous en reparle.
Jour 3
Comme certains d'entre-vous l'auront deviné, je passe la semaine à Tremblant avec quelques collègues critiques de cinéma (dont je vais taire le nom afin de ne pas les compromettre). Je crois que l'ocassion est belle de démystifier une fois pour toute la folle rumeur qui court : non, il n'y a pas de concertation, encore moins de complot entre nous. La preuve étant ce 24 mesures, de Jalil Lespert, qui a plu à la grande majorité de mes collègues mais qui m'a laissé tellement de glace que j'en suis sorti frustré, dépité, excédé. Un esthétisme brouillon et un scénario inconséquent ressortent comme les pires défauts de ce film incomplet. On dit souvent qu'un film est « prévisible », ce sont cette fois-ci les comédiens qui sont prévisibles, maniérés, inertes. Les quelques soubresauts de l'intrigue apparaissent rapidement et les quelques surprises, dont l'apparition rafraîchissante de Clotilde Hesme, sont trop rares pour solidifier un film qui essaie quelque chose... sans parvenir à atteindre un niveau de cohérence narratif suffisant. Tellements d'histoires passionnantes sont tout simplement abandonnées pour un très ringard monologue sur le jazz... Brrr, non. Le film repasse quand même samedi à 16h.
Suivait tout juste après Les liens du sang, avec Gullaume Canet et François Cluzet, un film ultra-convenu qui s'efface derrière la performance de deux grands acteurs. La lumineuse Clotilde Hesme y fait d'ailleurs une autre fabuleuse présence (je vais en désintox dès mon retour). D'ailleurs, il faudrait dire à Alice Taglioni de ne plus m'appeller, c'est Clotilde que j'aime maintenant.
Reste que Les liens du sang, aussi prévisible soit-il, fonctionne bien, sans impressionner outre mesure. Un film policier tout ce qu'il y a de plus classique. Loin d'être mal fait, mais pas nécessaire non plus. La caméra est efficace mais les surprises sont très limitées. Le film est projeté à nouveau cet après-midi à 16h.
J'ai vu Transit, de Christian de la Cortina, ce matin, je digère un peu et je vous en reparle demain. Seul film québécois du festival, il met en vedette Luc Morisette, Deano Clavet, Julie Du Page et de la Cortina lui-même dans une histoire de gansters assez tordus (les gangsters et l'histoire, cela dit). Le film est présenté ce soir, à 21h30, et demain à 16h. Pour vous mettre l'eau à la bouche, disons seulement qu'on y entend Julie Du Page dire : « hey, touche pas à ma crème! ». Délicieux.
Autre anecdote délicieuse : deux fois depuis deux jours des personnages d'un film ont choisi le cinéma pour se réconcilier et/ou une première rencontre. Moi qui pensais que ce truc-là était inefficace depuis 1989...
Ce soir, ce sera l'occasion de voir How About You, une comédie irlandaise d'Anthony Byrne qui se déroule, le soir de Noël, dans une maison pour personnes âgées. Les possibilités comiques sont infinies.
Suivra à 21h30 le film Le grand alibi, tiré d'une histoire d'Agatha Christie, par Pascal Bonitzer. Avec Miou-Miou et Lambert Wilson, le film promet du mystère, beaucoup de mystère...
À demain.
Jour 4
La troisième journée du FFT s'est bien déroulée malgré la température très créative qui sévissait hier sur Tremblant. Beaucoup plus imprévisible d'ailleurs que les films, qui sont en général de beaux succès technique très convenus, conçus et choisis pour un grand public gagné d'avance. La réponse est bonne, cependant, et la plupart des projections se font devant de bonnes foules, exceptées peut-être celles de fin de soirée.
La journée d'hier a commencé avec la projection du flm québécois Transit, de Christian de la Cortina. Un film d'action réalisé avec peu de moyens, mais qui est loin d'être cheap. Le film est pourtant loin d'être une réussite; les interprétations peu convaincantes des comédiens, les textes faibles et souvent risibles et la surdramatisation des situations nuisent beaucoup au film, trop pudique au demeurant. Pas irrécupérable, le film a cependant besoin d'un sérieux remontage et d'un resserement dramatique plus rigoureux.
En après-midi avait lieu la seule représentation du film Blind Date, de l'Américain Stanley Tucci, huis-clos exigeant qui le met en vedette face à Patricia Clarkson. Ils sont lumineux tous les deux, et plusieurs scènes de ce petit film sont saturées d'émotion brute. De l'ordre de l'émotion, pas de l'intellect. Un film qui laisse bouleversé, heureux mais triste, satisfait mais déçu. Parce que certains moments moins inspirés viennent ralentir le rythme du film et qu'on en ressort avec un sentiment d'inaccomplissement.
En soirée, on a pu observer pendant un peu moins de deux heures de la lumière défiler sur un écran tandis qu'on projetait la comédie irlandaise How About You. L'histoire classique de la jeune fille un peu rebelle (mais pas beaucoup) qui, par un concours de circonstances tout ce qu'il y a de plus artificiel, doit s'occuper de personnes âgées pour Noël. Ceux qui sont des ennemis jurés deviennent les meilleurs amis du monde, les irresponsables retrouvent enfin leurs esprits et tout le monde est heureux dans ce film inutile qui n'est pas mal fait, mais qui ne sert à rien.
Suivait Le grand alibi, de Pascal Bonitzer, adaptation maladroite et sans ressort dramatique d'un roman d'Agatha Christie. Sans personnage fort pour mener l'enquête, sans même tension dramatique, le film est long malgré ses 93 minutes. Et la finale, qui aurait pu tout racheter, arrive plutôt en salvatrice pour nous délivrer de cet ennui.
Ce qu'on voit depuis mercredi à Tremblant est du cinéma inoffensif. Du cinéma digne d'une sortie en salle, techniquement du moins, qui ne surprend guère ni ne convainc. À l'exception de 24 mesures, qui avait un peu d'audace, aussi désagréable soit-il, et de Blind Date, malheureusement incomplet, les incontournables sont peu nombreux.
Difficile de reprocher quelque chose de précis à ces films : ils sont réussis techniquement, réunissent souvent d'excellents acteurs, ont même quelques fois une ou deux bonnes idées, mais pour un coup de coeur, à ce stade-ci, on repassera. Reste Clotilde Hesme.
Jour 5 et palmarès
Le FFT se termine aujourd'hui avec la remise des prix et la projection du film français Les femmes de l'ombre, avec Sophie Marceau.
Avant d'en venir aux gagnants, parlons un peu de la journée d'hier, samedi, qui a laissé votre humble serviteur plus épuisé que repu de cinéma. D'abord parce que 32A, présenté en début de journée, est un autre de ces films inoffensifs qui ont peuplé le FFT de cette année. Bien fait, mignon certainement, le film laisse insatisfait et s'oublie rapidement.
Puis, dans la salle la plus bruyante et désagréable qu'il m'ait été donné de connaître, j'ai vu ou plutôt subi Sangre Illuminada, film mexicain complexe qui offre enfin un petit défi. Cependant, malgré la beauté de certaines métaphores et des images, la confusion règne, dans cette histoire de réincarnation pas très pragmatique et chargée symboliquement. Le film a de la difficulté à tenir le cap jusqu'à la fin.
Puis, j'ai pu voir Manuale d'Amore 2, film à sketches qui, disait-on, contenait une sulfureuse scène de sexe avec Monica Belluci. La scène en question, jolie mais pudique, ne remplit pas ses promesses, d'autant que Belluci, vedette du premier sketch, se fait littéralement voler la vedette par Elsa Pataky, vedette du quatrième segment. Une beauté raffinée et rayonnante, qui ne sauve pas le film d'un certain relâchement à la mi-parcours. Drôle, agréable pour les yeux, mais s'en souviendra-t-on seulement la semaine prochaine?
Le jury du Festival, lui, aimerait bien qu'on se souvienne des films récompensés dans les six catégories habituelles. Les voici, sans jugement aucun, parce que franchement, je suis tanné de juger :
Prix du jury coup de coeur : How About You, d'Anthony Byrne.
Prix d'interprétation masculine : François Cluzet dans Les liens du sang
Prix d'interprétation féminine : Lubna Azabal dans 24 mesures
Prix du meilleur scénario : Michele Pellegrini et Gianni Zanasi (No Pensarci), ex aequo avec Fabiana Werneck-Barcinski et Philippe Barcinski (Nao por Acaso)
Prix du meilleur réalisateur : Jacques Maillot pour Les liens du sang
Prix du meilleur film : 24 mesures de Jalil Lespert, mention spéciale à Sangre Illuminada.
Je ne peux pas m'en empêcher : pardon?
À l'an prochain.