On me demande souvent, quelques minutes après avoir appris ce que je fais de mes journées, si j’ai un bon film à conseiller. « C’est quoi ton film préféré? » entends-je aussi souvent dès que je dis que je suis critique de cinéma (après avoir reçu les briques et, plus rarement mais quand même, un fanal ou deux). Question ouverte s’il en est une, je n’ai jamais d’autre choix que de répondre toujours la même chose : « Ça dépend. » Ça dépend de qui vous êtes, vous, ça dépend de ce que vous aimez, de ce que vous allez faire au cinéma et de si vous devrez convaincre quelqu’un d’y aller avec vous. Mais ça dépend surtout d’une limite de temps que vous m’accordez. Mon film préféré... de tous les temps? De la décennie, de l’année, du mois, de la semaine ou d’aujourd’hui?
Je ne suis pas certain que j’aie un film préféré de tous les temps. Ça serait trop long à expliquer et bien trop facile de se tromper que de n’en nommer qu’un. Un film de la décennie? Presque le même principe. Un film de l’année? J’en aurai un... à la fin de l’année. Le chevalier noir est certainement le meilleur film du mois, comme vous pourrez le lire dans ma critique, publiée à minuit ce soir pour respecter l’embargo.
Est-ce que le film est à la hauteur des attentes? Oui. Est-ce que c’est si bon qu’on le dit? Oui. Est-ce le meilleur Batman? Il s’en trouvera encore pour dire que les films de Nolan n’ont pas la même féerie, visuellement parlant, que les films de Burton. Mais c’était il y a vingt ans ou presque, comment départager? Le sérieux de la démarche de Nolan est indéniable, les résultats encore plus probants. Les plus sages répondront : « mais pourquoi départager? ».
Au même titre que les morts sont toujours des individus toujours gentils qui aimaient la vie, au même titre qu'il n'est pas encore né celui qui pourra détrôner Citizen Kane de la liste de l'AFI, The Dark Knight est condamné à être merveilleux à l'intérieur de certaines limites, temporelles ou de genre, qu'il est d'autant plus méritoire pour lui qu'il les transcende...
Ah! et en passant...
Je sais qu’Heath Ledger donne une performance magistrale dans Le chevalier noir. On le répètera bien assez ce week-end. Son corps et sa voix sont habités par un personnage plus fascinant qu’on ne l’aurait cru possible après la performance de Nicholson il y a presque deux décennies (qui n’était même pas mauvaise). Déjà qu’il faut donner une part du mérite pour ça au scénario de Nolan, je crois aussi qu’il faut éviter de s’emporter et de couronner Ledger d’un Oscar trop vite sous prétexte qu’il est mort. Sa carrière aurait pu être grandiose, vrai, mais elle ne le sera pas; et autant sa performance dans ce film tant attendu est terrifiante, autant il n’évite pas entièrement le cliché. Et puis, il y a de la pellicule qui coulera sous les ponts d’ici décembre, alors on verra...
Une dernière chose...
Dieu sait que je ne saurais tout expliquer sur Terre, mais une chose en particulier - en plus de la phobie de perdre mes tickets de vestiaire - me turlupine plus que les autres : qu’est-ce que c’est que cette manie d’écrire « héro » (et « super-héro ») sans le « s » qui devrait pourtant s’y trouver? D’où vient cette désagréable mauvaise habitude qui afflige pratiquement l’ensemble de la population francophone du Québec? « Héros », ça prend un « s », qu’il combatte le crime seul ou accompagné, qu’il triomphe du mal en groupe ou en solitaire (ça le regarde, après tout).